Entre culture et connaissance
Plus de 1000 journalistes, plus de 12'000 visiteurs, 19 marques. Et des centaines de montres si précieuses exposées, fruits de milliers et de milliers d’heures de travail consacrées avec abnégation aux nouveautés 2011. Tous ces chiffres relatifs au dernier Salon International de la Haute Horlogerie de Genève m’incitent à formuler quelques réflexions et, pourquoi pas, une proposition un peu plus visionnaire que pratique. Et peut-être – qui sait ? – un peu prophétique.
Le grand succès enregistré par l’exposition Cartier dédiée à l’évolution historique de ses montres magnifiques (des trésors de savoir-faire, beaux et précieux) me donne à réfléchir quant à l’importance de comparer les histoires, les styles et les expériences. Au fond, c’est à cela que servent les expositions : à faire réfléchir sur les identités et les différences, à tracer des parcours inattendus, à suggérer des voies innovantes en matière de créativité et de technique.
Parmi les dix-neuf marques présentes au Salon de Genève, huit ont été fondées au XIXe siècle, trois au début du XXe. Certaines ont plus de 150 ans et Vacheron Constantin remonte même à 1755. Je sais que ce n’est pas ainsi que l’on calcule, mais faisons mine d’additionner toutes les expériences au lieu de les mettre en parallèle : en comptant une moyenne de 140 ans pour les marques dites « de tradition » et en multipliant par douze, on arrive à environ 1700 ans. Un parcours extraordinaire qui s’articule entre arts appliqués, techniques de pointe, créations, inventions et savoir-faire, transmutant la mesure du temps en un précieux trésor.
Mettons maintenant toutes ces histoires en parallèle : combien de ponts peut-on jeter entre un monde et l’autre ? Combien de connexions peut-on établir ? Combien d’histoires peut-on remettre au jour ? Des histoires qui naissent dans des vallons industrieux et qui débouchent dans toutes les métropoles du monde. Des histoires qui ont un parfum de travail et de passion, d’effort et d’engagement, de tradition et d’innovation.
Et justement sur le front de l’innovation, d’autres sources d’inspiration peuvent venir des cinq marques que je qualifierais de contemporaines et dont l’histoire est plus récente : si une expérience séculaire manque à leurs lettres de noblesse, elles ont à leur actif un regard plus interrogateur, souvent plus courageux sur le monde et une fraîcheur propre à faire souffler un air toujours renouvelé.
En deux mots : chercher des espaces toujours nouveaux pour des expositions et des événements culturels ne revient pas à faire d’un salon un musée mais à offrir une lecture plus moderne de l’histoire et de la tradition, propre à souligner la légitimité et l’authenticité des marques dans leurs valeurs actuelles. La Haute horlogerie est faite de culture et de connaissance. Nous possédons l’histoire, les produits, les idées, le talent, le savoir et le savoir-faire : les valoriser, c’est contribuer à édifier des valeurs qui ne durent pas pour aujourd’hui seulement mais aussi et surtout pour demain.
Ma vision est la suivante : un salon compris non seulement comme événement commercial, à l’instar de tant d’autres de par le monde, mais aussi comme exposition culturelle, et donc institutionnelle, capable de représenter dignement la Haute Horlogerie des trois siècles passés et des onze dernières années. Ce serait un témoignage unique en son genre, destiné à circuler dans le monde pour faire apprécier partout les chefs-d’œuvre de l’art appliqué.
S’il y a de l’argent à dépenser, mieux vaut l’investir dans la culture que dans les fastes et les festivités.
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