Est. June 12th 2009 / Desde 12 de Junho de 2009

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segunda-feira, 16 de julho de 2012

Meditações - o tempo passa lento, na Bastilha

La tour est âpre et noire, et, du haut jusqu'en bas,
Elle est un instrument de supplice ; un étage
Fait agoniser moins ou souffrir davantage ;
Changer de cabanon, c'est changer de tourment ;
Le captif, dans la cave, expire lentement ;
Sous le toit, dans un trou qu'on nomme la calotte,
Il étouffe en juillet, en décembre il grelotte ;
Sous plus ou moins d'horreur l'homme se sent plier
À mesure qu'il monte ou descends l'escalier ;
Nulle part le repos, l'air frais, la clarté pure.
Chaque chambre a la forme utile à la torture ;
Ici l'on gèle ; ici l'on brûle ; ici l'on meurt.

Dans ce lieu morne,
La minute est bourreau, l'heure est épouvantail.

Une horloge apparaît. Au-dessus du portail.
Autour du cadran triste, une chaîne est sculptée,
Cercle affreux, chaîne énorme à lier Prométhée ;
Elle entoure le temps, et, monstrueuse à voir,
Saisit par ses deux bouts, au bas du fronton noir,
Une statue étrange et morne, prisonnière
Qui grince et fait effort pour sortir de la pierre ;
La statue a deux fronts, l'un jeune et l'autre vieux ;
Sur le cadran, rouillé par l'hiver pluvieux,
L'aiguille, résumant dans une heure une vie,
Par la chaîne toujours à tous ses pas suivie,
Part du jeune homme et vient aboutir au vieillard.
Lugubre, elle paraît marcher sous un brouillard ;
On croit voir l'affreux doigt de la bastille sombre
Montrant ce qu'elle fait du prisonnier dans l'ombre,
Et disant - C'est ici que les pas sont tremblants,
Et que les cheveux noirs deviennent cheveux blancs.

Effroyable prison qui n'a point de mémoire !
La geôle, au dehors noire est aveugle au dedans ;
Elle prend! sans les voir, des hommes dans ses dents
Et, sans s'informer d'eux, les mâche et les dévore.

En entrant dans ces murs terribles, où, pour eux,
Les heures maintenant, hélas, seront si lentes,
Les captifs sont inscrits sur des feuilles volantes ;
Pas de livre d'écrou. Tout est fait de façon
Que rien ne laisse trace en cette âpre prison,
Et que le nom s'y perde en même temps que l'homme.
Quel est ce prisonnier, et comment on le nomme,
Après dix ou vingt ans, personne ne le sait ;
Pas même lui. La dalle ignore ce que c'est,
Le carcan le saisit au cou sans le connaître,
Et le ver, qui déjà goûte à sa chair peut-être,
Ne peut dire son nom à la taupe qui fuit.
Hier, aujourd'hui, demain, ne font qu'un. Plus un bruit.
L'homme, qui maintenant va mourir goutte à goutte,
Une fois qu'il a mit le pied sous cette voûte,
Sent au-dessus de lui son propre effacement.
Sa vie est à jamais mêlée a ce ciment.
Le fil qui nous rattache au monde dont nous sommes,
Et lie à travers l'ombre un homme aux autres hommes,
Se brise ici. Sans air, sans jour, sans point d'appui,
L'homme le sent flotter rompu derrière lui.

Un vivant n'est plus là qu'un rêve dans un gouffre.
Entrer là, c'est entrer dans de l'oubli. L'on souffre,
On rampe, on saigne, on râle, on crie ; on ne sait pas.
Le captif va, vient, tremble ; il fait de vagues pas,
Sent à son pied sa chaîne et s'arrête farouche,
Boit à sa cruche, mord à son pain noir, se couche,
Se lève, se rendort, tressaille, et, réveillé,
Dit : Où suis-je ? que suis-je ? et tâte un mur mouillé.

Il ne sait plus qu'il souffre, il ne sent plus qu'il pleure ;
Il semble à ce damné qu'il s'enfonce à chaque heure
Plus bas dans la prison, et que, dans lui vivant,
La prison chaque jour pénètre plus avant ;
La Bastille le tient ; hagard, il s'incorpore
A cet épouvantable et hideux madrépore ;
Morne, il constate, au froid toujours croissant du fer,
La transformation de son bagne en enfer ;
Il croit que l'heure est morte au-dessus de sa tête,
Et que l'éternité dans son cachot s'arrête.
Est-ce que son œil voit ? est-ce que son cœur bat ?
Il s'accoude des mois entiers sur son grabat,
Ecoutant dans un coin filer quelque araignée.
Son âme se détache et lui semble éloignée ;
Il croit heurter sa bière en touchant à son lit ;
L'évanouissement par degrés le remplit ;
Il ne peut plus fixer un temps, compter un nombre ;
La pierre devient nuit, lui-même il devient ombre,
Et sent croître, à travers la stupeur de l'ennui,
Autour de lui la tombe et le fantôme en lui.

O triste genre humain ! Sur tous les échafauds
Tant de sang fut versé dans les deux hémisphères
Que du fer qu'on en eût tiré l'on eût pu faire
Hélas ! tous les barreaux de toutes les prisons !

...le cabanon prépare à l'échafaud.
Le patient commence au captif ; les supplices
Ont pour aide la geôle obscure, et pour complices
La cruche d'eau, l'ennui, la paille, le barreau ;
Qu'est-ce que les verrous ? des valets du bourreau

L'énorme tour a douze étages de cachots,
Noirs, hideux, et selon la saison, froids ou chauds ;
Des fournaises en juin, en janvier des glacières ;
Chaque cellule est basse, et l'on voit des poussières
Qui jadis ont vécu, dans l'ombre des piliers ;
Des squelettes, dans l'angle obscur des escaliers,
Sont adossés au mur, ayant au cou des chaînes ;
On entend le vent fuir dans les forêts prochaines,
Et les captifs au fond du donjon sont pensifs ;
Les portes sont de fer, les verrous sont massifs,
Et le trousseau de clefs fait la charge d'un homme.
Le roi, qui des deniers du peuple est économe,
A quinze ou vingt palais à meubler, de façon
Qu'il n'a pas de quoi mettre un lit dans la prison ;
Aussi les prisonniers couchent-ils sur la pierre.
Cent vingt archers du guet, à la longue rapière,
Graves, muets, portant la jaquette à grands plis
Sous le hoqueton bleu semé de fleurs-de-lys,
Veillent du haut en bas, six devant chaque porte.

Oh ! qu'elle avait commis de crimes, la géante !


Victor Hugo, Hors de la terre,  La Fin de Satan

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