À chaque niveau de la physique, nous retrouvons donc le temps irréversible associé au devenir de la matière là où hier des lois atemporelles réduisaient ce devenir à la répétition du même. On pourrait être tenté d’aller plus loin, de poser la question : d’où vient la flèche du temps ? Surgit-elle avec le brisement primordial de symétrie du « vide quantique » ? Il n’en est rien : ce brisement de symétrie éventuel, comme les conditions de non-équilibre dans le monde que nous connaissons, révèle la flèche du temps, mais ne la crée pas. En effet, il nous faut déjà présupposer l’existence de cette flèche du temps pour démontrer 1’instabilité de l’Univers vide, la possibilité que certaines fluctuations déclenchent le mécanisme coopératif qui aurait simultanément créé la matière et la courbure de 1’espace-temps.
De manière plus générale, je crois qu’il nous faut résister à la tentation d’« expliquer » la flèche du temps. Nous pouvons parler du temps de notre naissance, de celui la chute de Troie, du temps de la disparition des dinosaures, et même de celui de la naissance de l’Univers, mais la question « quand, ou pourquoi, a commencé le temps » échappe à la physique comme elle échappe sans doute aussi aux possibilités de notre langage et de notre imagination. Le temps irréversible, la différence entre le passé et le futur, précède et conditionne tant la réalité physique que les questions du physicien. Marc Bloch avait opposé les sciences qui, morcelant le temps en fragments artificiellement homogènes, le réduisent à une mesure, et l’histoire.
Karl Popper
sexta-feira, 7 de junho de 2019
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