sábado, 5 de dezembro de 2020

O espírito natalício ou "La saison des Noëls commercialisés est déjà là"

Agradeço à Maria Gomes o ter-me colocado de novo em contacto com os ensaios de Marguerite Yourcenar, contidos em "Le Temps, ce grand sculpteur", há muito lidos e esquecidos.

Nomeadamente com este, escrito em 1976

GLOSE DE NOËL

La saison des Noëls commercialisés est déjà là. Pour presque tout le monde – les misérables mis à part, ce qui fait beaucoup d'exceptions – c'est une halte chaude et éclairée dans la grisaille de l'hiver. Pour la majorité des célébrants de nos jours, la grande fête chrétienne se borne à deux rites : acheter, de façon plus ou moins compulsive, des objets utiles ou non, et se gaver, ou gaver les personnes de leur cercle intime, en un inextricable mélange de sentiments où entrent à parts égales l'envie de faire plaisir, l'ostentation, et le besoin de prendre soi-même un peu de bon temps. Et n'oublions pas, symboles très anciens de la pérennité du monde végétal, les sapins toujours verts coupés dans la forêt et qui achèvent de mourir dans la chaleur du mazout, et les téléphériques déversant les skieurs sur la neige inviolée.

N'étant ni catholique (sauf de naissance et de tradition), ni protestante (sauf pour quelques lectures et l'influence de quelques grands exemples), ni même chrétienne sans doute au sens plein du terme, je n'en suis que plus portée à célébrer cette fête si riche de significations et son cortège de fêtes mineures, la Saint-Nicolas et la Sainte-Lucie nordiques, la Chandeleur et la Fête des Rois. Mais bornons-nous à Noël, cette fête qui est à tous. Il s'agit d'une naissance, et d'une naissance comme elles devraient toujours l'être, celle d'un enfant attendu avec amour et respect, portant en soi l'espérance du monde. Il s'agit des pauvres : une vieille ballade française montre Marie et Joseph cherchant timidement dans Bethléem une hôtellerie selon leurs moyens, éconduits partout pour laisser place à des clients plus reluisants et plus riches, et finalement insultés par un patron qui « hait la pauvrerie ». C'est la fête des hommes de bonne volonté, comme le disait une admirable formule qu'on ne retrouve plus toujours, malheureusement, dans les versions modernes des Évangiles, depuis la servante sourde-muette des contes du Moyen-Âge qui aida Marie dans ses couches jusqu'à Joseph chauffant devant un maigre feu les langes du nouveau-né, et jusqu'aux bergers enduits de suint et jugés dignes de la visite des anges. C'est la fête d'une race trop souvent méprisée et persécutée, puisque c'est en enfant juif que le Nouveau-Né du grand mythe chrétien paraît sur la terre (et j'emploie bien entendu le mot mythe avec respect, comme l'emploient les ethnologues de notre temps, et comme signifiant les grandes vérités qui nous dépassent et dont nous avons besoin pour vivre).

C'est la fête des animaux qui participent au mystère sacré de cette nuit, merveilleux symbole dont saint François et quelques autres saints ont senti l'importance, mais dont trop de chrétiens de format courant ont négligé et négligent de s'inspirer. C'est la fête de la communauté humaine, puisque c'est, ou ce sera dans quelques jours, celle des Trois Rois dont la légende veut que l'un d'eux soit un Noir, allégorisant ainsi toutes les races de la terre qui apportent à l'enfant la variété de leurs dons. C'est une fête de joie, mais aussi teintée de pathétique, puisque ce petit qu'on adore sera un jour l'Homme des Douleurs. C'est enfin la fête de la Terre elle-même, que dans les icônes de l'Europe de l'Est on voit souvent prosternée au seuil de la grotte où l'enfant a choisi de naître, de la Terre qui dans sa marche dépasse à ce moment le point du solstice d'hiver et nous entraîne tous vers le printemps. Et pour cette raison, avant que l'Église ait fixé cette date pour la naissance du Christ, c'était déjà, aux tempsantiques, la fête du Soleil.

Il semble qu'il ne soit pas mauvais de rappeler ces choses, que tout le monde sait, et que tant de nous oublient.

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