segunda-feira, 11 de janeiro de 2010

Les leçons de marketing du professeur Biver*

Comment continuer à faire parler positivement de sa marque en temps de crise, alors que les budgets marketing sont revus à la baisse? Les conseils d'un maître en la matière, Jean-Claude Biver, patron des montres Hublot.
Jean-Claude Biver, quelles sont les règles d'un marketing efficace?

Elles sont au nombre de quatre: cohérence, concentration, durée et répétitio.

Examinons un peu ça. Cohérence, pourquoi?

Tout l'effort marketing doit converger vers une seule cible. Prenons l'exemple de Hublot: c'est une marque pour les leaders, donc pour la faire connaître, je concentre toute ma publicité dans des journaux que les leaders sont obligés de lire. Aux Etats-Unis, par exemple, ce sera le New York Times et le Wall Street Journal . Je fais de même en Inde ou en Chine, je me concentre sur les quotidiens financiers incontournables.

Des titres où la publicité n’est pas donnée...

Oui, mais je ne vais pas ailleurs. Donc je ne mets pas d’annonces Hublot dans Vogue ou dans Vanity Fair . Si je mets de la publicité dans des titres qui ne leur sont pas destinés, même si ce sont des titres de tout premier plan, je perds mon argent. C'est une chose que les responsables marketing oublient souvent. Quant à moi, j'ai décidé une fois pour toutes de séduire les élites économiques, financières, politiques et industrielles via un petit nombre de magazines et de quotidiens qu'elles lisent toutes, dans chaque pays.

Vous dites ça pour la presse, alors qu’en matière de sponsoring, vous êtes plutôt dans la dispersion, avec du polo, du foot, de la voile, du ski, du vélo…

Bonne remarque, qui est incorrecte, car je ne me disperse pas, contrairement aux apparences. Là encore, je me concentre sur ma cible. Il faut bien comprendre que je ne cherche pas la cohérence de ma marque, mais de mon consommateur. Et lui, ce leader, il fait du vélo et de la voile, voire du polo, qui sont des sports haut de gamme. Il aime aussi le foot, qui est aujourd'hui devenu un sport touchant tout le monde, les jeunes, les retraités, les hommes, les femmes, les pauvres et les riches. Il faut donc que je sois présent dans toutes les activités qu'il aime, pour qu'il finisse par penser, même de manière inconsciente, que Hublot fait partie de son monde à lui.

C'est assez différent de la stratégie classique des marques de luxe, qui ont tendance à se concentrer sur un ou deux sports.

Effectivement, j'ai une opinion différente, je ne veux pas être la référence dans un sport, je veux être partout où est mon client. C'est ça ma cohérence.

Ce qui fait quand même beaucoup de cibles à toucher en même temps. Et pourtant, vous parlez de la concentration comme une des règles du marketing.

Plus la flèche est pointue, mieux elle pénètre sa cible. La concentration se détermine par rapport à son budget marketing. Moins on a de moyens, plus il faut être pointu. Ceux qui balaient large se dispersent, et à la fin ne touchent plus personne. En revanche, si je m'appelle Omega, je peux chercher à toucher plus de cibles, ou de manière moins affûtée, parce que j'ai beaucoup plus d'argent à disposition, ce qui me permet d'imposer mon image plus facilement.

Le budget marketing de Hublot est pourtant assez conséquent.

Il est d'environ 50 millions de francs, soit un quart de notre chiffre d'affaires. En définitive, ce n'est pas beaucoup. Prenons comme hypothèse que je veux être présent dans dix pays et que je divise ce budget équitablement: cela ne fait plus que 5 millions de francs par pays. Alors oui, en Suisse, avec 5 millions, on peut bien marquer sa présence. Mais en Chine, aux Etats-Unis ou au Brésil, qu'est-ce que je fais avec 5 millions? D'autant plus que ce budget englobe plus que la publicité dans les journaux. Il y a aussi tout le sponsoring, l'événementiel, les catalogues, Internet, etc.

Comment faites-vous, alors?

Eh bien, il faut être malin, faire du marketing guérilla et trouver des idées originales, qui nous permettent de maximiser notre visibilité, surprendre, apparaître là où on ne nous attend pas. Et nous devons aspirer à trois choses: être les premiers, être différents et être uniques. C'est très important, surtout quand on est petit et qu'on se bat contre des gros qui ont une telle force de frappe qu'ils peuvent s'imposer même si le terrain est déjà occupé.

Concrètement, cela donne quoi?

Par exemple, l'opération que nous avons faite en sponsorisant les arbitres de foot pendant l'Euro 08. Personne n'y avait pensé avant nous et pourtant, je vous assure que, lorsqu’on voyait le nom Hublot sur les panneaux des arbitres qui affichent les minutes d’arrêts de jeu, cela a eu un impact énorme. Autre exemple dans le polo. Difficile d’entrer dans ce sport, déjà très couvert par les marques horlogères, que je crois important pour Hublot. Alors nous avons décidé non pas de sponsoriser un tournoi existant mais d'organiser un match avec huit des 20 meilleurs joueurs du monde, à Paris. Cela n'avait jamais été fait en Europe (ce type de match ne se voit en général qu'en Argentine, d'où proviennent tous les meilleurs joueurs). Dans le milieu du polo, cela a eu un retentissement énorme. Voila deux exemples, il y en a d’autres. Il faut être malin, original, rapide. Et savoir que même quand tout le terrain semble occupé, il y a toujours des niches intéressantes qui restent libres, il y a toujours de nouvelles choses à créer.

Ce sont des événements ponctuels, alors que vous nous avez dit que la durée est un des fondements du bon marketing.

Pourquoi ponctuels? Pour le polo, par exemple, nous allons répéter l'opération l'année prochaine, probablement à Londres ou à Munich. Car effectivement, la durée est importante en marketing. Souvent, les responsables marketing se disent: «OK, j’ai fait cette campagne ou ce sponsoring pendant un an, c'est bon, le message est passé.» C'est faux! Jusqu'à ce qu'on encaisse les retombées de nos campagnes, pour que la marque soit reconnue, il faut au moins trois à cinq ans. Beaucoup de jeunes dirigeants marketing l'oublient, simplement parce qu'ils veulent passer à autre chose.

Ce qui nous amène à votre quatrième point, la répétition.

C'est comme à l'école, pour que l'enfant retienne, il faut lui faire répéter sa leçon plusieurs fois. Un consommateur n'est pas convaincu parce qu'il a vu une affiche une fois. Il faut lui répéter le message. De manière à ce qu'il s'en rappelle vraiment sur le long terme. Donc pas une campagne d'affichage pendant un mois, mais plutôt pendant une semaine chaque mois, pendant cinq mois. A la fin, la somme dépensée est la même mais avec beaucoup plus d’efficacité.

Avec la crise, est-ce que vous avez baissé votre budget marketing?

Non, nous avons été plus sélectifs, plus qualitatifs, on a recentré certaines campagnes.

Ce qui veut dire?

Par exemple, le premier semestre 2009, nous avons réduit nos campagnes dans les médias économiques et financiers. Je me suis dit que les banquiers étaient dans une telle crise qu'ils avaient autre chose à faire qu'à s'acheter des montres. Nous avons donc gardé nos munitions pour revenir plus massivement dans ces médias au second semestre.

Le marketing, ça vous prend beaucoup de temps?

Environ 60 à 65% de mon temps de travail. J'y intègre aussi les produits et la politique des prix. C'est important d'y mettre le produit, car tout démarre du marketing et des besoins du client.

Et comment arrivez-vous à sentir ces besoins du client?

D'abord je suis moi-même un passionné d'horlogerie. J'achète beaucoup de montres et pas seulement mes marques. Ce qui fait que je ressens vraiment ce que le client ressent quand il achète mon produit, je suis proche de lui. C'est une sensibilité que je peux traduire dans mon métier.

Est-ce que vous vous trompez souvent?

C'est ce qu'il y a de bien avec le marketing, c'est qu'on ne sait pas toujours si ce que l'on a fait est bien ou pas. Il est vraiment difficile de calculer les retombées exactes d'une campagne. Disons que, dans son ensemble, notre stratégie marketing n'est pas mauvaise, puisque nous avons quasiment multiplié nos ventes par huit en cinq ans, malgré la crise, que nous sommes rentables et que nous n'avons pas de dettes. Bref, les résultats prouvent que notre stratégie est correcte. Il faut aussi dire que ça fait plus de trente ans que je suis dans ce métier et que j'ai accumulé une certaine expérience. En fait, je ne fais que répéter et affiner ce que j'ai déjà fait par le passé, depuis l'époque de Blancpain.

C'est donc à cette époque que vous avez tout appris?

Vous savez, on a commencé avec 20 000 francs de fonds propres et un prêt de 30 000 francs de Credit Suisse. Ce qui fait peut-être 500 000 francs en monnaie actuelle. Je n'avais pas le choix, il nous fallait être différents, nous concentrer sur une seule cible. J'ai appris sur le tas, je n'avais pas le choix si je voulais vendre mes montres. Si vous êtes dans un grand groupe avec beaucoup d'argent à disposition tout est plus facile. Et on apprend moins vite.

Vous conseilleriez donc à un jeune qui se lance de commencer plutôt dans une start-up?

S'il a un caractère indépendant, du courage, la capacité d'endurance au travail, oui, car dans une start-up, il va apprendre la créativité. Seulement, tout le monde n'a pas cette endurance, cette volonté d'indépendance, cet amour du risque. Si on ne les a pas, mieux vaut aller dans un grand groupe, plus structuré, car dans une start-up, ce sera l'enfer.

*Artigo publicado no último número da revista PME Magazine, onde o CEO da Hublot, Jean-Claude Biver, explica alguns segredos do seu sucesso

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